Interview croisé

Les secrets d'une transition énergétique réussie dans le secteur immobilier neuf

EPF

La transition énergétique au coeur des priorités de l'EPFIF

Parmi les grands enjeux de l’immobilier neuf, il y a celui de la transition énergétique. Entre obligations réglementaires et volonté de bien faire, le chantier pose de nombreux défis.  Pour faciliter cette transition, l’Etablissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF) veille à accompagner les collectivités dans leur cahier des charges. Guillaume TERRAILLOT, directeur général adjoint en charge du pôle Stratégie et Ressources, et Judith CUBERTAFOND, directrice de la transition écologique, nous expliquent les secrets d’une transition énergétique réussie. 

Buildrz : Pouvez-vous nous rappeler le rôle de l’EPFIF ? 

Guillaume TERRAILLOT : L’EPFIF est un établissement public au service des collectivités franciliennes. Sa mission est de sécuriser le foncier nécessaire à leur développement, notamment en termes de logements. 

Généralement, nous signons des conventions d’intervention avec les collectivités, puis nous définissons des zones où assurer la maîtrise du foncier. Concrètement, nous achetons le foncier, puis assurons son portage afin de diminuer le poids du terrain dans le prix de revient de l’opération. Nous pouvons également accompagner les collectivités dans le choix de l’opérateur lors de consultations. Nous achevons avec la promesse de vente, qui débouche sur les différentes autorisations d’urbanisme et la cession au prix de revient. 

 

Quelles sont vos lignes directrices dans vos différentes missions ?

T. : Notre stratégie globale est définie dans notre programme pluriannuel d’intervention, qui va de 2021 à 2025. Il repose sur trois piliers.

Le premier consiste à intensifier la production de logements, et notamment de logements abordables. En 2022, nous avons permis la construction de 7 200 logements dont 42% de logements sociaux. Nous sommes également engagés dans la réhabilitation des logements indignes, et opérons sur des copropriétés très délabrées. 

Le deuxième pilier est de participer à la politique de relance économique en accompagnant la réindustrialisation. Nous avons cédé un total de 250 000 m2 de foncier entre l’aménagement et le diffus en 2022. 

Enfin, le dernier pilier est la transition écologique. Sur ce point, notre action se mène sur quatre axes : la lutte contre l’artificialisation des sols, la préservation de la biodiversité, la réduction de l’impact carbone et la valorisation des déchets.

Judith CUBERTAFOND : Pour donner des exemples concrets, la lutte contre l’artificialisation des sols se traduit notamment par le fait de ne plus intervenir sur des espaces naturels agricoles et forestiers, ou encore par le fait de préserver la pleine terre, qui vise à la fonctionnalité des sols. Concernant la biodiversité, sa préservation rejoint le premier axe, car ce sont deux thématiques complémentaires, qui répondent aux enjeux liés aux ilôts de chaleur ou à la gestion des eaux pluviales. Il peut également s’agir de protéger la faune et la flore en minimisant l’intervention sur certaines zones où elles se développent.

 

eco construction

L’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) est l’un des principaux enjeux dans la construction de la ville de demain. Comment les collectivités se saisissent-elles du sujet ?

T. : Elles ont vraiment pour ambition de remplir cet objectif. La problématique se pose plutôt dans les villes rurales où les élus craignent que le ZAN n’altère leur développement. Ils ont besoin d’un modèle économique pérenne. Dans ces cas-là, nous pouvons intervenir à l’échelle de l’intercommunalité, afin de mener une grande consultation sur le foncier et d’identifier les opportunités.

C. : Du côté des villes plus urbaines, il y a également la problématique posée par les coefficient de biotope par surface (CBS), fixé par les PLU, et qui permet d’assurer la qualité environnementale d’un projet.

 

Avec ces enjeux énergétiques viennent également les réglementations. Comment s’organisent les différents acteurs en prévision de la Réglementation énergétique 2025 (RE 2025) ?

C. : Les trajectoires sont de toute façon définies. Le seuil d’impact carbone fixé par la RE 2025 par exemple est de -15% pour l’impact des matériaux de construction, ce qui est une forte baisse.Les opérateurs se sont emparés avec volonté du sujet énergétique. En changeant le système de chauffage pour un équipement de nouvelle génération (pompe à chaleur ou chaufferie biomasse) on atteint rapidement l’objectif. Le volet carbone est plus complexe à implémenter. 

 

Tout cela intervient dans un contexte difficile, entre pénurie de matériaux et inflation du prix des matières premières…

T. : Évidemment, nos objectifs s’adaptent à la conjoncture. Nous discutons beaucoup avec les opérateurs, notamment les promoteurs, pour comprendre leurs difficultés opérationnelles. Nous avons aussi créé un solide réseau avec les assistants maîtres d’ouvrage (AMO) pour intervenir avec efficacité sur ces nouveaux sujets. Grâce aux expertises de chacun, nous pouvons ensemble trouver l’option ambitieuse la plus soutenable pour chaque projet

La conjoncture n’est pas la seule difficulté. Il y a un gros enjeu de transformation des filières Tous les compagnons ne sont pas formés aux matériaux biosourcés et ne peuvent donc pas prendre en compte la transition énergétique au mieux. Là, c’est à nous de jouer notre rôle de facilitateur et d’encourager au rassemblement des conditions afin que tout se concrétise.

C. : Il est bon de noter que de plus en plus d’acteurs font des propositions qui vont dans le bon sens et mettent en place des choses pour aller vers cette transition énergétique. Les engagements lors des consultations sont d’ailleurs de plus en plus nombreux. On espère maintenant qu’ils seront tenus.

 

Quels conseils donneriez-vous à des promoteurs qui veulent se lancer dans la définition d’une stratégie de transition énergétique ?

C. : Il faut impérativement se faire accompagner par les bonnes personnes ! Une transition énergétique réussie nécessite des compétences en amont, dès la phase de conception, sans quoi il sera impossible d’atteindre ses objectifs.

 

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d’opérations réussies ?

T. : L’année dernière, nous avons cédé un foncier autour de la gare d’Aubergenville qui provient d’anciennes friches. Les enjeux liés à la dépollution et au désamiantage étaient donc très forts et ils mettaient à mal l’équilibre financier du projet. Nous sommes également intervenus dans la définition du programme et la consultation. L’opérateur retenu, Bricqueville, va y réaliser 200 logements, avec une résidence services seniors et des locaux artisanaux. La construction a débuté.

C. : Je retiens également le programme « Place en fête » à Viroflay pour son côté vertueux. C’était un îlot en entrée de ville, tout près des espaces verts naturels. La ville a défini son cahier des charges puis nous l’avons accompagnée sur la définition des objectifs environnementaux. Nous avons ainsi pu faire une consultation ambitieuse sur le plan écologique et l’opération choisie, portée par Quadral et Érigère, est très qualitative. Tous les objectifs ont été atteints et la mixité des matériaux utilisés permet une qualité à la fois architecturale et environnementale. Au total, ce sont 62 logements qui ont vu le jour, dont 40% de logements sociaux. Aujourd’hui, le programme est certifié « Bâtiment durable francilien » de niveau or.